
Régulièrement, je me pose dans un lieu, parfois commun parfois insolite, et j’observe, écoute et écris ce que je vois et j’entends. Peut-être serez-vous un jour dans l’un de mes récits ? Avec eux, je souhaite vous emmener ou plutôt nous ramener à l’époque où les téléphones portables n’accaparaient pas notre esprit, notre temps et nos relations et où rencontrer des gens et partager des instants avec des inconnu.e.s faisait partie du quotidien. Bonne lecture !
Un jeudi matin, 10h00
Assise sur ce banc, je rêvasse, écoute et observe. Le lieu, super cosy, est relativement tranquille. Ce qui est drôle, c’est que toutes les tables ne sont que pour deux. Alignées, en rang d’oignons. Placées côte à côte, tout comme les client.e.s de ce matin. Rarement en duo, presque toujours seul.e, les amateurs et amatrices de café et autres boissons lactées ou théinées, se sont tout.e.s placés du même côté. Dos à la fenêtre. Dos à la place de la gare, à l’activité, aux voitures et à tous ces gens qui vont et viennent, vaquant à leurs occupations. Dos à la réalité.
À ma gauche, un monsieur, joliment vêtu, s’adonne à la lecture, un petit carnet brun posé sur la table. De temps à autre, il l’ouvre, et y griffonne quelques mots avant de replonger dans son livre, assez peu épais. Sa boisson, d’une couleur indéfinissable, juste entamée, ne semble pas l’enthousiasmer plus que cela. Ou peut-être préfère-t-il simplement, à ce moment, là, apaiser sa soif en apprenant et ingurgitant des mots, des phrases, des histoires ou des faits, plutôt qu’un verre de lait. Qu’il soit de vache, d’avoine ou d’amande, épicé ou non, chaud ou froid.
Tandis qu’il poursuit la découverte de son livre, une femme vient se glisser entre sa table et la mienne. Sans dire bonjour. Elle aussi choisit de ne pas regarder à l’extérieur. Son téléphone à la main, ses écouteurs dans les oreilles, elle se débarrasse de sa veste sans même arrêter de regarder les images qui défilent sur son écran. Elle est captivée, hypnotisée par les pixels mouvants.
À ma droite, un peu plus loin, deux amies discutent. Tu vois, j’ai super mal à l’épaule depuis quelque temps, dit l’une, tandis que l’autre acquiesce avec douceur. Elle compatit à la douleur de son amie, et ça se voit. Ça se sent. Les deux femmes papotent avec bonheur tandis qu’elles consultent la carte. Qu’est-ce qu’on boit ? J’aimerais un café avec du lait, mais avec plus de café que de lait…. ou peut-être avec plus de lait que de café, tiens. Comme ça s’appelle déjà ? Une fois le serveur reparti, la discussion s’envole vers Londres. Les bons plans de l’une font la joie de l’autre. Les échanges vont bon train tandis qu’elles parlent du prix des billets – d’avion, des musées et des transports – et abordent l’épineux sujet des autorisations d’entrée sur le territoire anglais. Vous avez vos passeports au moins ? Tout est en ordre. L’une est rassurée pour l’autre, tandis que l’autre est assurée de passer un bon séjour grâce à l’une. Il est temps de passer au sujet suivant. Elles ont encore tant à se raconter.
Le serveur vient déposer sur ma table mon Golden Latte, surmonté d’un magnifique cœur blanc, bien mousseux, incrusté tel un bijou dans le lait d’or. J’adore ce détail, même s’il est, aujourd’hui, devenu standard. Cela me fait penser quelque instant à moi. À l’amour que je donne aux autres en m’oubliant, parfois. Souvent. J’amène le verre à ma bouche et laisse la boisson chaude, épicée mais douce, glisser sur ma langue, descendre dans mon gosier, chuter dans mon oesophage. Le gingembre, le curcuma, et les autres épices ayurvédiques me piquent et me donnent un sacré coup de fouet. C’est vrai. La verveine c’est un peu plus plat, moins gourmand, moins percutant. Mais elle n’est pas, pour autant, juste pour les gens ennuyants. Oui, je vous assure, une fois, on me l’a dit, à moi qui les adore et qui en buvait une alors, que les tisanes, c’est fait pour les gens chiants. C’est une femme qui ne gardait pas sa langue dans sa poche qui me l’a affirmé, haut et fort, devant toute une tablée.
À l’aide d’une petite cuillère, je gratouille le fond de mon verre. Les épices effleurent mes lèvres et tapissent et me réchauffent. C’est vrai qu’il ne fait pas chaud en ce matin de mars. Dehors, il neigeote, les gens courent, emmitouflés, parapluie et cheveux au vent. J’apprécie encore quelques instants la chaleur du café, le dos tourné à cette réalité qui va me rattraper, me gober, alors qu’à côté de moi la femme aux écouteurs est toujours profondément absorbée par la virtualité.
L’homme a presque fini son verre, finalement ça devait être bien bon, et moi, je regroupe mes affaires pour quitter ce cocon tranquille, et laisser derrière moi ces gens qui auront partagé, pendant quelques instants, mon présent.
Belle journée !

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